Dossier

Se soigner par l’hypnose ?

L’hypnose est un état de conscience modifié dans lequel nous nous trouvons souvent dans la vie courante. Dans le domaine dentaire on peut s’en servir pour le traitement de problématiques variées. Il y a en premier lieu l’angoisse et le contrôle de la douleur. Elle peut permettre de maîtriser le réflexe vomitif, d’arrêter les grincements de dents, ainsi que d’aider des personnes qui ont de la peine à supporter leurs prothèses dentaires. Dans le cadre chirurgical, il a été scientifiquement prouvé que grâce à l’hypnose il y a moins de problèmes de saignement, et que les plaies cicatrisent mieux et plus rapidement. Elle peut aider certaines personnes à arrêter de fumer, et ainsi de suite.

L’hypnose modifie nos perceptions et sensations. On peut faire des traitements dentaires sans anesthésie ni douleur grâce à elle.

Cependant, dans la plupart des cas on ne l’utilise que pour atténuer, voire éliminer l’angoisse de la piqûre et la peur de la douleur. L’hypnose permet de vivre la piqûre, ainsi que l’ensemble des soins, comme quelque chose de parfaitement anodin, voire agréable. Il n’y a alors plus de raison de renoncer à l’anesthésie locale, qui rend le traitement plus simple et aisé pour le dentiste.

L’hypnose a été utilisée à des fins de guérison depuis la nuit des temps. Dans ce contexte, le thérapeute induit l’hypnose le plus souvent par le biais de suggestions verbales, qui permettent à la personne de laisser son attention se focaliser naturellement et sans effort. Selon les cas, le traitement dentaire à proprement parler pourra être entrepris dans la même séance ou lors d’une séance suivante.

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Qu’est-ce que l’hypnose vraiment ?

Afin de comprendre ce qu’est vraiment l’hypnose, il semble nécessaire de se représenter une situation dans laquelle cet état survient facilement de lui-même.

Imaginons par exemple…

Vous êtes assis au coin du feu. Vous avez le temps. Vous ne faites rien de particulier. Dehors le vent souffle la pluie contre les vitres, dedans tout est calme. Votre regard se perd tranquillement dans les petites languettes des flammes qui s’élancent dans la cheminée. Ces petites languettes qui vacillent frénétiquement sous l’effet de la chaleur… Plus elles s’agitent, plus cela semble vous calmer. Vous pouvez sentir la chaleur sur la peau. Il y a peut-être ce parfum un peu lourd du feu de bois. Vous entendez le son du bois qui brûle — les crépitements, sifflements, petits craquements… ce bois qui devient de plus en plus léger au fur et à mesure que les flammes le consument. Vous voyez ces petites flammes qui ont l’air de consumer votre agitation intérieure, et de naturellement vous conduire à un état de calme. Plus ça continue, plus votre regard peut rester comme collé à ces petites flammes. Et si cela vous amuse de vous laisser aller un peu plus dans cet état un peu particulier, il n’y a bientôt plus que vous et les flammes. Il n’y a plus que la communication entre vous et les flammes. Ou peut-être pourrait-on même parler de communion entre vous et les flammes. Votre attention est en quelque sorte rétrécie, et se limite aux seules flammes. Et en même temps le champ de votre conscience lucide est plus vaste que jamais, et largement ouvert à tout ce qui pourrait se présenter. Dans le fond vous n’y êtes pour rien. Tout ce que vous faites est consentir à ce que votre attention se laisse attirer, se laisse fasciner par ces petites languettes agitées. Et vous ne sauriez passer cet instant de manière plus agréable.

Peut-être auriez-vous pu employer ce temps pour faire quelque chose de soi-disant « utile ». Mais c’est curieux — dans cet instant présent il vous semble beaucoup plus utile et intéressant de ne rien faire du tout… Vous ne sauriez dire pourquoi. Du reste, le « comment et pourquoi » est la dernière chose qui vous intéresse maintenant. Cet instant privilégié est complet, entier et parfait en lui-même. Il vous semble préférable de le laisser intact, que cela dure cinq secondes ou deux heures.

Connaissez-vous ce genre d’état ? Eh bien, l’état hypnotique n’est rien d’autre que cela.

A un moment donné vous reviendrez à votre état de conscience habituel. Il se peut que vous vous secouiez un instant. Vous vous étirez peut-être. Ah oui, ça fait du bien… Voilà — vous êtes à nouveau pleinement là, reposé et entièrement apte à assumer toutes vos tâches habituelles. Et il est tout à fait possible — sans que vous puissiez l’expliquer — que vous perceviez maintenant certaines choses de manière plus claire, simple et nette. Vous vous êtes accordé une petite pause, et les choses semblent s’être remises à leur place par elles-mêmes, presque à votre insu. Cet état de conscience légèrement altéré a permis l’avènement spontané d’un changement, aussi minime soit-il. C’est comme si la suspension de l’activité habituelle de votre mental avait pour ainsi dire permis que toutes les pendules se remettent naturellement à l’heure, sans que cela demande une intervention consciente de votre part.

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Un phénomène de tous les jours

L’état hypnotique est quelque chose de parfaitement naturel et quotidien. Une transe hypnotique peut être aussi simple que le regard qui se pose sur le coin d’une table, y reste accroché, sans raison particulière. Quelqu’un vous parle… Vous revenez à vous-même. « Qu’est-ce que tu as dit ? Excuse-moi — je n’étais pas vraiment là… » Des situations de ce genre, que tout le monde connaît, passent le plus souvent inaperçues. Elles font partie de notre fonctionnement normal et naturel, et se produisent en réalité de façon cyclique à peu près une fois toutes les 90 minutes.

Ce sont des transes très légères qui ne durent généralement que quelques secondes. Elles ne nous empêchent nullement de poursuivre habilement certaines activités. Un athlète qui fait de la course à pied entre par exemple spontanément en transe au bout d’un moment, ce qui ne l’empêche en rien d’éviter le cycliste qui vient en face. Notre inconscient utilise ces petites pauses pour en quelque sorte « remettre les compteurs à zéro ». Dans la mesure où tout le monde connaît ce phénomène sous une forme ou une autre, cela indique également que tout le monde est en principe hypnotisable.

L’inconscient ?

L’inconscient peut être défini comme « tout ce que l’on sait sans savoir qu’on le sait ». Au fond, c’est lui qui organise notre être. Imaginez par exemple que vous êtes assis dans un train à l’arrêt dans une gare. Vous savez qu’il est à peu près l’heure du départ. Comme vous vous voyez bouger par rapport au wagon en face, l’expérience que vous faites est que votre train se met en marche. Vient ensuite la grande surprise : ce n’était que l’autre train qui se déplaçait, alors que vous êtes toujours immobile dans la gare. Votre inconscient était « programmé » sur le départ de votre train, et il vous en a fait faire l’expérience. — Maintenant, essayez au contraire consciemment de vous convaincre, et dites-vous « je bouge », alors qu’intimement ce n’est pas ce à quoi vous vous attendez. Vous aurez difficilement l’impression de vous déplacer réellement.

Histoires de vaches et histoires vaches

Vous pouvez, si cela vous amuse, faire l’expérience suivante avec une personne dans votre entourage :

Demandez à la personne de visualiser du blanc — comme par exemple du yoghourt ou du fromage blanc.

Demandez-lui ensuite de répéter à haute voix et au moins une vingtaine de fois le mot « blanc », rapidement à la manière de « blanc-blanc-blanc-blanc-blanc-… ».

Répondez maintenant : que boit la vache ? …

Est-ce qu’on vous a répondu « du lait » à cette question ? Est-ce que cela vous surprend ?

— Eh oui, une vache ne boit pas plus de lait que de café ou de limonade. Une vache boit de l’eau, et il n’y a aucun doute que votre interlocuteur le savait très bien.

Cet exemple met en évidence le fonctionnement propre à la partie inconsciente de notre conscience. Vous n’avez à aucun moment prononcé le mot « lait » dans cette petite expérience. Mais notre inconscient effectue les associations « vache—lait » et « lait—blanc », et raisonne par automatisme « vache + blanc = lait ». Pratiquement toutes les personnes ainsi interrogées répondront que la vache boit du lait, alors qu’en réfléchissant elles savent pertinemment que cela ne correspond à aucune réalité.

Ceci montre comment l’inconscient — qui a en principe toujours notre bien pour objectif — peut aussi parfois nous jouer des coups un peu tordus. En fait, nous recélons tous beaucoup d’histoires du type des « vaches qui boivent du lait » — avec des conséquences d’ailleurs plus ou moins « vaches ». C’est-à-dire, dans leur grande majorité, ces mécanismes spontanés nous sont indispensables pour réagir de manière immédiate et adéquate aux situations que nous rencontrons dans la vie. Mais dans certains cas, ils peuvent poser des problèmes.

Imaginez par exemple une personne avec une phobie des piqûres, dont cette personne même affirme souvent le caractère démesuré et déraisonnable. Sans doute, cette peur a dû être utile pour elle à un certain moment dans son existence. Mais cette situation n’est peut-être plus du tout d’actualité. Dans un tel cas, l’hypnose peut aider à défaire ce vieil automatisme qui est désormais devenu gênant. Elle peut permettre de trouver et apprendre de nouvelles façons, mieux adaptées aux circonstances du présent, d’envisager ce geste soignant dans l’intérêt du bien-être de la personne.

Parmi les différentes manières qui existent pour tirer profit de cet état, l’hypnose dite « ericksonienne » part du principe que l’inconscient a les ressources pour trouver ses propres solutions dès qu’on lui en donne la possibilité. Peut-être ne le savez-vous pas, mais votre inconscient, lui, sait de quoi vous avez besoin. Il le sait mieux que vous-même, mieux aussi que le thérapeute. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle il n’est pas toujours nécessaire d’avoir complètement compris comment cela fonctionne pour qu’un changement bénéfique se produise.

Le recours à l’hypnose peut faciliter des modifications dans le fonctionnement de l’inconscient de différentes manières. Dans tous les cas, elle n’est — dans l’optique ericksonienne — autre qu’une façon de permettre au patient d’accéder à ses propres ressources de guérison. Le thérapeute ne fait que l’accompagner dans cette démarche.

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Hypnose : Question – Réponse

Est-ce que je garde mon libre arbitre pendant l’hypnose ?

Oui. L’hypnose est un état de conscience vive et de vigilance accrue. Il est vrai qu’elle nous permet de laisser temporairement au repos la partie volontaire de nous-mêmes. Et c’est d’ailleurs cette mise en suspens de l’activité volontaire qui donne accès à des ressources qui permettent, par exemple, d’arrêter un saignement, de ne pas sentir une douleur, et ainsi de suite. Mais elle ne nous réduit en aucun cas à un état sans volonté — bien au contraire ! Pour qu’une personne entre en transe, il est indispensable qu’elle soit consentante. L’hypnose n’aura simplement pas lieu si la personne ne capte pas cette possibilité qui s’offre à elle.

L’hypnose nous offre donc la possibilité, elle nous donne la faculté de mettre en quelque sorte « en veilleuse » l’aspect de nous-mêmes qui nous empêche souvent de nous ouvrir à nos propres capacités et compétences. Or, si nous saisissons cette possibilité ou non ne dépendra que de nous. Et on peut à tout moment sortir de cet état dès que l’on le voudra, à la même manière que l’on est entièrement libre de poursuivre ou d’interrompre une grasse matinée lorsqu’on entend le téléphone sonner.

L’hypnose comporte-t-elle des risques ?

L’hypnose étant un procédé hautement efficace pour faciliter l’accès aux propres ressources du patient, sa pratique requiert une formation professionnelle appropriée. Elle peut effectivement comporter des risques si elle est utilisée par des personnes inexpérimentées, ou à mauvais escient. Dans certains cas, l’ouverture à l’inconscient peut notamment donner lieu à des réactions émotionnelles inattendues. Celles-ci peuvent par ailleurs être utiles, voire nécessaires. Il est très important que le thérapeute ait les compétences nécessaires pour gérer ces situations.

Etant donné que l’hypnose n’est malheureusement pas protégée légalement en Suisse, il est recommandé de s’adresser à des thérapeutes affiliés à l’un des organismes suivants :
— Société Médicale Suisse d’Hypnose SMSH
— Société d’Hypnose clinique Suisse SHypS
— Institut Romand d’Hypnose Suisse IRHyS

En vous adressant à un thérapeute certifié par l’un de ces organismes, vous êtes assuré des compétences de ce praticien. En effet, les membres de ces organismes sont soumis au code éthique de l’ISH (International Society of Hypnosis). Ce code stipule que l’hypnose thérapeutique ne peut être appliquée que par des médecins, médecins-dentistes et psychologues ayant reçu la formation requise, ou par du personnel paramédical (infirmières, sages-femmes, physiothérapeutes, etc.) sous supervision d’un praticien d’une des catégories prénommées. Chaque professionnel n’utilisera l’hypnose que dans le cadre de son propre domaine. Un médecin-dentiste, par exemple, n’emploiera pas l’hypnose au-delà du cadre du traitement dentaire.

L’hypnose, s’inscrit-elle dans la médecine « parallèle » ?

L’efficacité de l’hypnose – qui a été démontrée de manière à ne plus laisser de la place au doute – est entièrement reconnue par la médecine académique telle qu’elle est enseignée aux universités. L’hypnose n’est pas considérée comme une thérapie en elle-même, mais comme un outil adjuvant dans certains traitements médicaux, dentaires ou psychologiques. De ce fait, elle peut s’inscrire autant dans la médecine « conventionnelle » que dans certaines approches dites « alternatives », « complémentaires » ou « parallèles ».

Que se passe-t-il sous hypnose ?

Dans la vie de tous les jours, notre esprit est presque constamment dispersé et attiré par le monde qui nous entoure. Sous hypnose l’attention se focalise, et cesse d’être perturbée par ces distractions. Cet état de concentration naturellement détendue facilite l’apprentissage et la mémoire, la maîtrise de certaines fonctions végétatives de notre corps, et des changements au niveau de la partie inconsciente de notre conscience. Une modification des perceptions peut être induite (par exemple perceptions de la douleur, sensations de nausée, perceptions du chaud et du froid, perceptions de la durée dans le temps, etc.). On observe fréquemment des effets au niveau du corps, tels qu’une modification du rythme cardiaque et respiratoire, un relâchement ou augmentation du tonus musculaire, des larmoiements, des mouvements involontaires, etc.

Est-ce que l’hypnose marche chez tout le monde ?

Tout le monde est en principe hypnotisable, à l’exception de personnes qui n’ont pas de faculté de concentration suffisante, comme par exemple dans le cas d’une maladie de Alzheimer. La condition sine qua non pour entrer en transe est la confiance entre patient et thérapeute et une acceptation de la démarche. L’état hypnotique ne s’établira pas si l’on n’est pas partie prenante. Il peut donc arriver que l’hypnose « ne marche pas ». Cela indique la présence de résistances à un niveau conscient ou inconscient. Il sera alors nécessaire de choisir une approche qui tienne compte de cet état de fait.

Pour quelles problématiques utilise-t-on l’hypnose ?

Le champ d’applications de l’hypnose dans les soins de maux physiques et psychiques est extrêmement vaste. Si l’on se limite à la seule médecine dentaire, on citera les angoisses, le contrôle de la douleur et du saignement, la maîtrise du réflexe vomitif, la tolérance aux prothèses dentaires, le traitement du grincement des dents, le traitement de la dépendance au tabac, et ainsi de suite.

L’hypnose peut-elle remplacer la piqûre d’anesthésie ?

Oui. On peut obtenir une anesthésie efficace grâce à l’hypnose. Cependant, on choisit souvent tout de même d’utiliser une anesthésie par injection, qui est une manière très simple pour contrôler la douleur. Sous hypnose ce geste peut par ailleurs être vécu comme parfaitement anodin, voire agréable.

Comment se déroule un traitement par l’hypnose ?

La démarche hypnothérapeutique commence en règle générale par un entretien personnel, qui doit permettre au thérapeute de concevoir au plus près comment le patient vit sa difficulté. Puis, la transe est induite, le plus souvent en utilisant des suggestions verbales. Si nécessaire, une première séance est consacrée uniquement à l’hypnose, afin que l’inconscient prenne confiance et se familiarise avec ce mode d’être. Lors des séances successives l’entrée en transe sera en principe de plus en plus aisée et rapide. Il suffira alors de consacrer quelques minutes à focaliser l’attention, de pratiquer éventuellement une relaxation générale, et de mettre en œuvre les méthodes déjà apprises.

Très souvent, la personne qui se fait accompagner est en plus encouragée à pratiquer de l’autohypnose, afin d’exercer ces nouvelles compétences en dehors des séances au cabinet. Cela permet en quelque sorte de « creuser les ornières du chemin ». Par ce biais, elle développera la capacité d’activer ses propres ressources de manière de plus en plus naturelle et automatique.